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La confiscation du capital des avoirs souverains russes gelés par l’Union européenne

  • Martine Jodeau
  • 1 avr.
  • 3 min de lecture

Dernière mise à jour : 3 avr.


La confiscation du capital des avoirs souverains russes dont le gel est intervenu par divers règlements pris par le Conseil européen à hauteur d’environ 210 milliards d’euros, est plus que jamais à l’ordre du jour. Il s’agit de participer à la reconstruction et à la compensation des dommages subis par l’Ukraine du fait de la guerre d’agression déclenchée par la Russie, évalués par la Banque Mondiale, les Nations Unies et l’Union européenne au 31 décembre 2024 à près de 1000 milliards de dollars.


Si l’Union Européenne a fait un pas en transférant à l’Ukraine le produit des intérêts de ces avoirs, il existe un débat sur la conformité de la confiscation du capital de ces avoirs au droit international public, en tant que cette mesure porterait atteinte notamment à la souveraineté de l’Etat russe.



1.  Sur la licéité de la confiscation et le droit coutumier international


La licéité de la confiscation de ces avoirs est fondée notamment sur le droit coutumier international tel que codifié sous la dénomination : « La responsabilité de l’État pour fait internationalement illicite ». Cette codification, élaborée par la Commission du droit international de l’ONU et validée par son assemblée générale le 12 décembre 2001, organise le droit de recours des Etats à des contre-mesures. Elle fait partie intégrante du droit coutumier que l’article 38 du Statut de la Cour Internationale de Justice reconnait expressément comme l’une des sources de droit que la Cour applique (cf. l'article de fond publié dans la Revue de l’Union Européenne n°677 avril 2024 « Du gel à la confiscation des avoirs de la Fédération de Russie » 


2. Sur la jurisprudence internationale


La jurisprudence internationale confirme que les contre-mesures sont licites, sous réserve qu’elles satisfassent aux conditions de fond et de procédure ainsi codifiées et lorsqu’elles ont pour but de parvenir à la cessation des faits illicites et à la complète réparation du préjudice subi.


3. Sur la proportionnalité des contre-mesures


Ces contre-mesures doivent être proportionnées à la gravité des faits et aux dommages subis (ce qui est largement acquis dans le cas de l’Ukraine) et doivent être temporaires (jusqu’à la réparation complète des dommages) ou réversibles (s’agissant ici de sommes d’argent compensables). Peu importe à cet égard, précise l’article 22 de la codification, que dans les relations bilatérales entre l’État dit « lésé » et l’État dit « responsable » la contre-mesure puisse être en elle-même illicite (par exemple en tant qu’elle porterait atteinte à la souveraineté de l’État agresseur) dès lors qu’elle satisfait à toutes les autres conditions posées dans la codification


4. Sur la mise en œuvre des contre-mesures


Quant à la procédure de mise en œuvre, sauf contre-mesure devant être prise en urgence, l’État agressé doit demander à l’Etat agresseur l’arrêt de ses agissements et la réparation des dommages subis. L’urgence n’est pas ici à démontrer ! L’article 52 ajoute que la mise en œuvre est possible notamment en l’absence de différend en instance devant une juridiction.


5. Sur l’immunité juridictionnelle de la Fédération de Russie


Ainsi, au regard de la codification, la confiscation du capital des avoirs souverains russes peut être regardée comme étant une contre-mesure légitime nonobstant l’atteinte à la souveraineté et aux biens de « l’État responsable ». A noter dans ce contexte que l’Union Européenne a déjà pris seize trains de sanctions à l’encontre de la Fédération de Russie, dont le gel de ses avoirs, sans que cette dernière ait engagé une procédure de contestation judiciaire. D’ailleurs, dans le cas où elle contesterait devant une juridiction la mesure de confiscation de ses avoirs, cette action emporterait déchéance de son immunité juridictionnelle et ce, qu’elle agisse en demande ou en défense.


6. Sur la déstabilisation des marchés financiers


Un autre obstacle à la confiscation souvent mis en avant, tient dans la crainte d’un risque de déstabilisation des marchés financiers due à un risque de désinvestissement massif en euros en raison de la perte de confiance que pourrait engendrer la contre-mesure. Une telle crainte est injustifiée car elle supposerait que les investisseurs concernés soient responsables d’un fait internationalement illicite au sens de la codification.


7. Sur la codification du droit coutumier international


La question se pose enfin de l’amélioration de la coordination des règles posées dans la codification évoquée ici avec le régime des sanctions et des mesures restrictives prises à l’égard des Etats tiers résultant du droit de l’Union européenne et notamment des règlements pris en application de l’article 215 du TFUE. Il serait important que l’Union européenne puisse reconnaître expressément la codification du droit coutumier international relatif à « La responsabilité de l’État pour fait internationalement illicite », pour la consacrer en tant que norme européenne directement applicable par les États membres.



Martine Jodeau

Conseillère d’État honoraire

8 Mars 2025



 
 
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